S3F-Haiti Projet
Haïti a été très sévèrement touché par le séisme du 12 janvier 2010. Ce séisme a totalement désorganisé le pays et fait fuir une grande partie des populations urbaines vers les campagnes où les petits agriculteurs qui représentent 60% des emplois haïtiens ont vu doubler, tripler parfois quadrupler le nombre de bouches à nourrir par foyer. La plaine de Léogane, principale région productrice de canne à sucre était proche de l’épicentre du séisme et a été très touchée.
Pour reconstruire le pays, une des priorités défendues par le président haïtien lui-même ainsi que le Directeur Général de la FAO, est la relance de l’agriculture déjà sévèrement mise à mal par les tempêtes tropicales et ouragans de 2009. Le développement du secteur agricole et rural passe par de nombreux enjeux : augmentation de la production, de la productivité et de la compétitivité, relance de l'entreprenariat, attractivité de l'agriculture et des métiers ruraux...
Le travail est considérable et parmi les cultures qu’il faudrait développer pour augmenter la productivité, le sorgho sucré semble une opportunité réelle pour les agriculteurs, en particulier dans la plaine de Léogane. En Haïti, ces derniers sont jusqu’ici habitués à cultiver des sorghos grains utilisés essentiellement pour l’alimentation humaine, mais par rapport au sorgho grain, le sorgho sucré présente l’avantage de produire des graines tout en accumulant des sucres dans ses tiges. C’est typiquement une plante multi-usages combinant une production alimentaire humaine (les grains) et animale (les bagasses après extraction du jus ont une valeur alimentaire élevée pour les bovins, de même que les feuilles en fin de cycle) avec une production énergétique (l’éthanol obtenu à partir du jus sucré des tiges).
Le sorgho répond donc à deux enjeux essentiels : augmenter la production de denrées alimentaires (humaine et/ou animale) et fournir une source alternative d’énergie, le bio éthanol.
Par ailleurs, cette plante étant moins exigeante en terme d’alimentation en eau et minéraux, elle peut être cultivée dans des environnements plus secs et sur des sols plus pauvres que le mais ou la canne à sucre, et remettre ainsi en valeurs des terres actuellement inutilisées.
La relance de l’agriculture haïtienne est une urgence.
Pour soutenir l’agriculture et éviter la perte de production de la campagne de ce printemps 2010 qui représente généralement près de 60% de la production annuelle, la FAO s’est engagé à assurer la distribution de semences (mais, pois, haricot noirs) à plus de 100 000 paysans. Mais la situation reste très préoccupante pour le pays habitué à importer plus de la moitié de ses denrées alimentaires. Au-delà de cette aide d’urgence à très court terme, il est important de proposer des solutions plus pérennes afin d’améliorer l’efficacité de l’agriculture haïtienne et diminuer les importations alimentaires.
Le niveau de vie des populations rurales doit être amélioré
Le maintien des populations en zones rurales est un enjeu majeur et nécessite que des solutions nouvelles soient proposées pour donner aux paysans la possibilité de mieux valoriser leur production, ou de diversifier leurs activités en créant une économie locale nouvelle génératrice d’emplois.
L’impact environnemental doit être pris en compte
Haïti a pratiquement perdu la totalité de sa forêt du fait d’une déforestation intense depuis de nombreuses années résultant en partie de l’utilisation du bois pour en faire du charbon. Cette déforestation conduit à une baisse de fertilité des sols consécutive à une érosion intense car l’agriculteur après exploitation du bois préfère replanter des cultures annuelles pour couvrir ses besoins alimentaires plutôt que des espèces pérennes qui ne produiront pas avant plusieurs années mais qui protègeraient contre l’érosion.
Pour diminuer l’utilisation du charbon de bois comme combustible, la production de gel alcoolisé utilisé dans des réchauds est une alternative intéressante qui aurait de nombreuses conséquences positives notamment sur l’environnement en diminuant l’utilisation du charbon de bois et par là la déforestation.
Soutenir les universités et Centres de recherches en Haïti est indispensable
Dans un contexte d’important dommages subits par les deux principales Université formants de jeunes agronomes (Université d’État et Université Quisqueya), il est essentiel d’aider les chercheurs Haïtiens à élaborer et conduire des programmes de recherches répondants aux problématiques de l’agriculture Haïtienne. Ce projet répond directement à une demande des chercheurs de l’Université Quisqueya et du hibas qui souhaitent développer un programme de recherche pour aider à la relance de ‘agriculture Haïtienne.
Le développement de la culture du sorgho sucré peut répondre à ces 4 enjeux majeurs. En effet, cette « canne à sucre produisant des graines » donne à l’agriculteur la possibilité de valoriser sa production sous diverses formes qu’il peut privilégier selon la demande :
Pour Haïti, les valorisations ciblées dans le projet sont l’alimentation humaine et/ou animale pour les grains, la production de gel d’alcool pour le sucre et la production de fourrage pour la biomasse.
Ces utilisations variées répondent bien aux enjeux alimentaires, énergétiques, environnementaux et permettent aux populations rurales d’améliorer leur niveau de vie grâce à une meilleure valorisation des productions agricoles et la création de nouvelles filières commerciales locales génératrices d’emplois. Enfin cette filière permettra de fixer une équipe scientifique pour développer les recherches d’accompagnement en particulier le programme de sélection variétale.
Ce projet s’inscrit parfaitement dans l’appui à la reconstruction durable d’Haïti. En effet, le développement de la culture du sorgho sucré répond à plusieurs enjeux très importants pour Haïti car il permet:
Ce projet est complémentaire du projet Sweetfuel, projet européen financé dans la cadre du FP7, coordonné par le Cirad et dont l’objectif est de développer la production de bioéthanol à partir du sorgho sucré par la sélection de variétés adaptées aux environnements tempérés et semi-arides tropicaux.
Il est évident que des liens privilégiés seront établis entre les deux projets et que le projet « S3F pour Haïti » tirera partie des résultats de Sweetfuel. Cette relation sera facilitée par le fait que leur coordination est assurée par le même coordinateur, et par le fait que Sweetfuel a inscrit dans son plan d’exploitation et dissémination de ses résultats, en particulier le matériel végétal, que le transfert sera facilité et aux coûts les plus faibles pour les pays les plus pauvres.
Via le Cirad, le projet pourra également bénéficier des avancées du projet intitulé « Biofuels research for development » conduit par l’Icrisat et financé par le Fida en Afrique de l’Ouest.
En outre le projet permettra avec l’appui du Cirad de renforcer autour du Chibas une équipe scientifique performante possédant les compétences nécessaires pour développer la filière sorgho sucré en Haïti.
L’objectif principal du projet est de relancer l’agriculture haïtienne en proposant aux agriculteurs des plaines de Léogane et de l’Arcahaie/Cabaret, régions ciblées par le projet, non seulement une alternative à la culture de la canne à sucre, mais également une opportunité de mieux valoriser leur travail en cultivant un sorgho sucré multi-usage. Les objectifs secondaires sont de (i) augmenter la production de grains destinés à l’alimentation humaine ou la filière avicole, (ii) produire un fourrage (feuille et bagasse) de bonne valeur nutritive, (iii) produire un combustible alternatif au charbon de bois, le gel d’alcool et (iv) maintenir et développer une équipe de scientifiques autour du Chibas pour participer à la relance de l’agriculture haïtienne.
Au niveau scientifique, il s’agit sur le court terme d’identifier et de proposer aux agriculteurs des lignées performantes de sorgho sucré et sur le plus long terme de mettre en place au Chibas un programme de sélection pour produire de nouvelles lignées voire de nouveaux hybrides. Des recherches d’accompagnement seront conduites afin de produire en fin de projet des recommandations sur les itinéraires ad hoc pour optimiser la culture du sorgho en monoculture ou en association avec le pois Congo.
Au plan technique, les agriculteurs de la région de Léogane, principale région productrice de canne à sucre, possèdent déjà une certaine technicité pour extraire le jus des cannes à sucre. Leurs pratiques seront adaptées à l’usinage des tiges de sorgho sucré. Dans l’Arcahaie/Cabaret le projet est associé à Agriterra, une usine d’Agriterra, une des principales distilleries du pays.
Pour valoriser la plante complète, deux nouvelles filières devront être développées :
Enfin, grâce à ce projet une équipe scientifique locale du Chibas et de l’Université Quisqueya sera renforcée.
En fin de projet, les produits attendus seront de natures diverses et inclueront
Pour participer à la relance de l’agriculture haïtienne, la culture d’une plante double usage comme le sorgho sucré capable de combiner production alimentaire humaine et/ou animale et production énergétique est une bonne opportunité. Cela nécessite cependant de (i) disposer de variétés performantes adaptées, (ii) d’ajuster les itinéraires techniques à l’agriculture haïtienne et (iii) développer des filières nouvelles de transformation/valorisation des produits et sous produits.
Par ailleurs une analyse socio-économique de la filière « sorgho sucré » s’avère indispensable pour évaluer ex-anté les conséquences du développement de l’innovation proposée en terme d’amélioration des conditions de vie et les conditions (organisationnelles, institutionelles) qui déterminent l’accés aux ressources productives nécessaires.
Les activités du projet sont distribuées en six tâches :
1. Tâche 1. Management et coordination du projet
2. Tâche 2. Développement de variétés adaptées à l’environnement haïtien
Pour identifier des variétés de sorgho sucré performantes et adaptées aux conditions de production haïtiennes, deux options seront suivies :
3. Tâche 3. Adaptation des itinéraires techniques
Des recherches d’accompagnement seront nécessaires à l’adaptation et la validation des itinéraires techniques pour la culture du sorgho sucré en Haïti.
Deux modes de cultures seront pris en compte : la monoculture et l’association avec le pois d’Angole (connu en Haïti comme Pois Congo), une légumineuse fixatrice d’azote. L’association avec une légumineuse permet de maintenir une certaine fertilité en azote des sols et procure également des protéines alimentaires. Le pois d’Angole est très apprécié en Haïti et souvent cuisinée avec le sorgho.
Le projet identifiera les itinéraires pour maximiser le rendement et/ou minimiser le ratio cout/productivité.
4. Tâche 4. Analyse socio-économique de la filière d’innovation
L’accent sera mis sur deux volets complémentaires :
5. Tâche 5. Transformation/production
Dans le cadre du projet, le Chibas recrutera un ingénieur industriel qui travaillera avec les entreprises participantes (Agriterra, autres) à l’optimisation des procédés de valorisation des produits et coproduits de la filière. Deux activités seront développées :
6. Tâche 6. Transfert-valorisation des résultats
Les résultats doivent être transférés le plus rapidement possibles aux acteurs ciblés afin que soit développée la filière sorgho sucré en Haïti.
Dans cet objectif, deux à trois unités pilotes regroupant des agriculteurs, des éleveurs et des producteurs d’alcool seront identifiées. Elles serviront de plateforme de formation pour d’autres personnes intéressées par cette filière. Ainsi, on pourra y accueillir les agriculteurs désirant cultiver du sorgho sucré, sensibiliser les éleveurs à la qualité du fourrage représenté par les bagasses et les feuilles de sorgho sucré ou à la possibilité de nourrir les volailles avec les grains, montrer comment produire de l’alcool à partir de cannes de sorgho…
L’accent doit également être mis sur la sensibilisation des populations à la nécessité de remplacer le charbon de bois par un autre combustible en particulier le gel alcoolisé. Cette action peut démarrer dès le début du projet dans la mesure où une production d’alcool à partir de la canne à sucre existe déjà. Cela demande de mettre en place une unité de production de gel alcoolisé ainsi que la mise sur le marché de réchauds adaptés au gel.
La société Agriterra à d’ores et déjà souscrit au projet et mettra à disposition 40 ha de terres irrigables pour la mise en place des essais et la multiplication de semences. Dès la deuxième année du projet, 100 ha seraient disponibles en fonction des résultats initiaux. Cette société prendra également en charge les mises au point concernant les procédés d’extraction du jus des cannes de sorgho, de sa fermentation et distillation dans son usine située à l’Arcahaie. L’ingénieur industriel recruté par le Chibas dans le cadre du projet assistera la société dans la mise en place des essais pilotes (extraction, fermentation, distillation) et le contrôle de la qualité de l’alcool produit.
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